VedeTT : Lucky Star

Son projet aura connu toutes les formes possibles (duo, quatuor, solo, trio…), et pourtant on reconnaît la patte de VedeTT au bout de quelques secondes seulement. Ça se confirme encore une fois avec ce très beau nouvel EP quatre-titres (à sortir le 8 décembre) qui devrait l’imposer un peu plus encore sur la scène nationale. Sa new-wave mélancolique a pris du corps et des tripes. Rencontre avec Florent Vincelot, aka Nerlov, chanteur, bassiste et âme pensante de VedeTT.

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Photo : Jérôme Sevrette

Ce nouvel EP se démarque assez radicalement de ton précédent album…

En fait, contrairement au premier album que j’ai composé seul, cet EP est le fruit d’un travail en trio. Comme ça fait un an et demi ou deux ans qu’on tourne tous les trois avec Stw et Simon, je leur ai proposé de participer à la composition. Du coup, fatalement, ils apportent leur son. Je suis arrivé avec assez peu d’idées de morceaux. On a composé à l’ancienne, en faisant tourner des plans en répète, en sélectionnant ce qui marchait, en l’améliorant, etc. Les gars ont donc apporté des idées qui ont donné naissance à des morceaux. Je devais donc pousser ma voix pour passer par dessus les autres instruments. On a ensuite enregistré au Love Island Studio, avec Stéphane Lefèvre et François L’Haridon, notre sonorisateur, qui est le quatrième membre officiel du groupe. Pour l’album, chez moi, je m’enregistrais tout seul, quand je sentais le bon mood. Je pouvais juste me permettre de murmurer pour la prise de chant, et ajuster ma voix ensuite au mix. Ça donnait un truc plus intimiste.

Du coup, sur scène, jusqu’à présent ils essayaient de coller à ce que tu avais composé seul chez toi ?

Oui, c’était l’idée au départ, mais très vite on a réarrangé les morceaux. Ça a pris une couleur shoegaze qu’il n’y avait pas autant dans l’album. Aujourd’hui, cet EP sonne beaucoup plus proche de ce qu’on peut faire en concert du coup…

Pourtant paradoxalement, je crois que vous les retravaillez à nouveau pour le live ?

Oui, Simon ne peut pas assurer certaines dates sur cette fin d’année 20017 donc on travaille une version avec boite à rythme sur scène, pour nous accompagner Stw et moi. C’est un exercice intéressant. J’aime bien l’idée d’avoir à composer en me séparant de tel ou tel instrument. Ca serait un gros délire que de réussir à composer sans guitare par exemple. Un peu à la manière de Future Islands qui n’a quasi pas de guitares, mais qui trouve des sons de remplacement grâce à des claviers de dingue ! Ça sonne rock sans les instruments habituels du rock. Je trouve que ça oblige à élargir son horizon.

D’ailleurs, le morceau « Eyes » offre pas mal de nouvelles perspectives. On y entend des cuivres !

J’ai grandi quand la scène ska-rock française était hyper populaire. Donc pour moi, les cuivres, c’était juste associé à un truc festif qui n’était pas du tout ma tasse de thé. Puis un jour j’ai entendu les disques « Amnesiac » et « Kid A » de Radiohead qui utilisent des cuivres d’une manière que je n’aurais jamais cru possible. Et ça m’a retourné. Ca donnait un truc majestueux, grave, ample. Depuis ce jour-là, j’ai toujours rêvé de pouvoir avoir un morceau avec des cuivres. Quand on a composé « Eyes », on s’est dit que le morceau s’y prêtait bien. Au départ, j’ai contacté Raggy, le saxophoniste de Zenzile. Mais il n’avait pas vraiment le temps sur cette période. Il m’a donc branché avec Babette de Des Lions Pour Des Lions. Elle est passée au studio, et elle a enregistré des trucs en direct sur l’ébauche de morceau qu’on avait : du trombone, des sax, de la trompette… Elle sait tout jouer ! (rires) Elle a carrément transporté le morceau ailleurs. On est hyper contents. J’ai toujours adoré les groupes qui réussissent à te surprendre d’un disque à l’autre, mais qui restent identifiables au premier coup d’oreille. J’aimerais beaucoup arriver à ça avec VedeTT. J’ai des tas d’envies différentes que je veux expérimenter sous ce projet ou sous un autre. En même temps, depuis le début, VedeTT a déjà connu plusieurs vies : en duo, en quatuor, en solo, en trio… De l’electro au rock. J’ai pas envie de m’interdire quoi que ce soit.

Auparavant, VedeTT était encore très confidentiel. Tu ne risquais pas de perdre beaucoup de public au fil des évolutions. Aujourd’hui, le groupe devient mieux identifié. C’est une pression ?

Je n’ai plus envie de m’en mettre en tout cas. Désormais, on sait où on veut aller et où on ne veut pas aller. On a arrêté les tremplins, les trucs comme ça. On n’a plus envie de faire des compromis –même parfois inconscients- pour plaire à tel ou tel qui nous dit qu’il faudrait faire ça ou ça pour que ça marche. On cherche des partenaires pour nous accompagner bien sûr. Mais des gens qui adhèrent déjà au projet. Pas des gens qui voudraient le transformer. Ce qui ne veut pas dire qu’on est rétifs à toute critique ou au dialogue. Mais c’est juste que désormais on est à un stade où le projet existe en tant que tel. On joue bientôt aux Bars en Trans. Ca va être chouette. Mais il y a quelques années, j’aurais peut-être attendu tout un tas de choses d’une date comme ça. Qui ne sont jamais venues comme on l’espérait. Du coup, désormais, on prend les choses comme elles viennent ou comme on sait les faire. Et les choses avancent d’elles-mêmes. Au fil des ans, on a su constituer une équipe (Echo Orange, notre label, et Laure Le Vavasseur, notre manageuse) qui nous accompagne, qui s’investit dans notre travail et qui croit en nous. C’est le principal.

Tu vas jouer en Suisse fin 2017 ?

Oui, c’en est un bon exemple. Ces dates, on les a trouvées grâce à une bookeuse suisse qui nous a vu jouer à Austin. Elle a trouvé ça super et nous a invités en Suisse sur quelques dates en décembre. C’est typique de la petite graine semée à un endroit qui donne des résultats où tu ne les attendais pas.

Est-ce qu’il y a des groupes dont tu admires le parcours ? Où tu te dis que ça serait une réussite si tu parvenais à ça avec VedeTT ?

Sans aller jusqu’aux gros mastodontes comme Radiohead, je me dis que ça serait génial de réussir à avoir le même destin que des gens comme Timber Timbre ou War On Drugs qui sont dans le circuit depuis une bonne dizaine d’années, et qui ont grossi doucement, au fil des concerts, des albums. Du coup, leur base de fans est solide et fidèle. Ce sont des gens qui aiment vraiment le projet du groupe. C’est pas un truc dont ils vont s’enticher un été parce que c’est la mode, et l’oublier du jour au lendemain. C’est le pire qui puisse arriver à un groupe, je trouve. Je vois bien comment j’ai déjà du mal à redescendre de mon nuage après une petite tournée de 3 ou 4 dates qui se passent bien. Je n’imagine même pas le calvaire que ça doit être de connaître le sommet rapidement et de tout dégringoler aussi vite. Moi, à partir du moment où les choses avancent toujours, je suis content. (rires)

CHRONIQUE DE DISQUE

Vedett – Losing All (Echo Orange)

Vedett_coverSon premier album, enregistré en autarcie totale, avait su toucher la corde sensible des médias spécialisés nationaux. L’autoproclamée spleen-wave de « Tuer les Gens » a surpris autant qu’elle a séduit. Florent Vincelot, aka Nerlov, la moustache qui se cache derrière VedeTT, revient donc en mettre une couche avec un nouvel EP enregistré avec le trio qui l’accompagne sur scène depuis deux ans. Et s’il avait commencé la phase de séduction en douceur, le bonhomme durcit désormais le ton sur ces quatre nouveaux morceaux. Oh, ne vous inquiétez pas, VedeTT chante toujours sa mélancolie sur des lignes de basses lancinantes et des nappes en clair-obscur. Mais le son est plus incisif, plus charnu. Le trio est habitué à jouer ensemble, et ça s’entend. La guitare pleine de reverb’ et les claviers angoissés lorgnent désormais sans fard sur le shoegaze (« Get Off The Road »). Et on ne peut pas ignorer ce magnifique « Eyes » et ses cuivres majestueux, qui déboulent dans le morceau quand on ne s’y attend pas, envoyant sur orbite un EP qui n’avait déjà pas besoin de ça pour être indispensable.