BROKEN COLORS : VIVE LA TRANSE LIBRE !

© Nicolas Meurillon

Depuis quelques années, la scène jazz internationale s’est offert une sacrée cure de jouvence, en allant piocher dans toutes les autres esthétiques. Le phénomène n’a pas épargné Angers, qui n’a jamais compté autant de jeunes jazzmen aventureux. Broken Colors fait partie de cette famille. Nous avons rencontré Jean-Sébastien (saxophoniste et compositeur) et Béranger (batteur) avant leur concert au Chabada, dans le cadre de la Jazz Week au côté d’Alex Grenier et Tesao le mercredi 21 Novembre.

Pouvez-vous revenir sur les débuts du groupe ?

Béranger : Le groupe existe depuis environ deux ans. Mais on se connaît tous depuis déjà pas mal de temps. Les gars se sont rencontrés au conservatoire dans la section jazz. On s’est croisés souvent sur des scènes, à jouer ensemble, et je connaissais le travail de compositeur de Jean-Sé. Donc quand il m’a demandé de rejoindre le groupe qu’il montait, je lui ai répondu : « Ca fera sûrement pas un rond, mais j’en suis ! » (rires)

Jean-Sébastien : En fait, l’histoire a démarré parce que le festival Bouche à Oreille à Bouchemaine m’a donné une carte blanche. Ca m’a mis un coup de pied aux fesses. J’avais quelques compos de prêtes. J’ai vite cherché des musiciens pour les jouer, puis j’ai écrit d’autres compos pour tenir un set entier. J’ai dû terminer de tout composer deux semaines avant le début du festival… J’ai trouvé le nom du groupe en pensant aux techniques de certains peintres qui balancent de la peinture sur la toile pour la mélanger. Je trouvais que ça collait bien à notre musique.

Tu es le seul compositeur dans le groupe ?

J-S : Pour l’instant, oui. Mais il n’y a rien de figé en ce qui me concerne.

B : Jusqu’à présent, Jean-Sé est arrivé avec des compos, qu’on réarrange en groupe. Ca marche bien comme ça. Ca aide aussi à avoir une sorte d’unité, de cohérence artistique. Pourtant, on compose tous, chacun de notre côté, pour des projets annexes. François (Collet) à la guitare compose par exemple pour son propre trio jazz, et il dit souvent qu’il aurait peur de composer inconsciemment à la manière de Jean-Sé s’il écrivait des choses pour Broken Colors.

Votre musique est très libre, touche-à-tout. Comme celle de Frank Zappa, une de vos grandes influences ?

J-S : On ne veut rien s’interdire. Le but étant de s’amuser. J’essaie toujours de faire des compos différentes les unes des autres, de créer des surprises dans ces compos, qui vont faire qu’elles ne sont pas ennuyeuses à jouer pour nous, ni ennuyeuses à écouter pour le public. Je peux partir sur un thème assez calypso, et le faire déraper soudainement sur autre chose. On veut que ça reste fun, pas trop tomber dans la démonstration technique. On cherche toujours un peu la transe, on veut que les gens s’amusent !

B : On fait partie d’une génération qui s’est fait sa culture musicale avec Internet. Donc avec une multitude de choses à écouter en trois clics : du jazz, du rap, du metal, de la pop, de l’electro, du blues… Ca ouvre des tas de possibilités. Mais c’est vrai que lorsque j’ai découvert le travail de Zappa, ça a été une grosse claque. J’ai vu qu’on pouvait faire le lien entre toutes ces musiques, justement. Que tout était permis. La liberté totale !

J-S : Et les genres musicaux évoluent eux-aussi en même temps que les musiciens qui les jouent. Le jazz d’aujourd’hui ne correspond sans doute plus à la définition qu’on en donnait au milieu de 20ème siècle. Reste l’improvisation qui en est la colonne vertébrale. Mais les groupes d’aujourd’hui ne jouent plus seulement les standards, ils s’ouvrent aux autres esthétiques. Des gens comme le saxophoniste Shabaka Hutchings par exemple puisent dans les musiques de transe comme l’afro-beat et le spiritual jazz. Ca parle aux corps des gens, ça les fait danser. Ca fait moins peur qu’une musique qu’on pensait compliquée et réservée à une certaine catégorie de personnes.

B : Ou bien Kamasi Washington, qui a commencé par bosser avec des rappeurs comme Snoop Dogg. Aujourd’hui, il fait des clips super fun, tout le monde veut bosser avec lui ! Il aide à donner une autre image du jazz.

Vous sortez d’un travail avec un ingénieur du son reconnu ?

Béranger : Oui, on vient d’intégrer le dispositif d’accompagnement de Trempolino à Nantes. Ca nous a permis de travailler plusieurs jours avec l’ingénieur du son Maïkol Seminatore, qui est connu pour son travail avec des gens assez installés dans le jazz d’aujourd’hui en France comme Thomas de Pourquery, Edward Perraud, Julien Lourau. Concrètement, ça nous a permis de prendre du temps pour réfléchir à notre son. Choisir tel micro plutôt qu’un autre, etc. Quand tu enregistres en studio, tu as rarement le temps de réfléchir à ces détails. Là, on a pu passer une matinée à tester des choses pour faire sonner au mieux la contrebasse par exemple. Donc c’est hyper enrichissant !

Ce travail est censé préparer votre prochain disque ?

B : Oui. Il devrait sortir dans le courant de l’année prochaine, on n’est pas encore tous d’accord sur la stratégie à suivre pour la date de sortie ! (rires)

J-S : Notre premier maxi était un enregistrement de notre troisième ou quatrième concert. C’est arrivé très tôt dans l’histoire du groupe parce qu’il nous fallait un peu de matière pour exister. Pour celui-ci, je pense qu’on peut prendre notre temps. Quitte à sortir les morceaux un par un avec des clips au fil des mois pour assurer une actualité constante, puis sortir le disque entier à la fin. On l’enregistre quoi qu’il arrive fin décembre. Ensuite on verra…

 

[su_frame][/su_frame]